« Il y a 750 milliards de raisons pour lesquelles l’Europe est bonne pour l’Italie. »
Éditorial publié par Il Foglio le 3 juin 2020.
L’Italie est déjà le premier bénéficiaire de la réponse européenne et le sera encore plus si nous maintenons la pression politique dans les mois à venir. Quel est le montant déjà disponible pour l’Italie en tant que réponse d’urgence à la crise ? Il s’agit de 15 à 20 milliards de la SURE, de 35 milliards de la BEI, de 36 milliards du MES et de 6 à 7 milliardssupplémentaires du budget de l’UE pour la période 2014-2020. À cela s’ajoute la proposition d’Ursula Von der Leyen « Next Generation », qui prévoit 80 milliards de subventions et 90 milliards de prêts, toujours pour l’Italie. Total : 250 à 255 milliards, soit environ 15 % du PIB italien.
Mais ce n’est pas tout : la BCE achètera pour 110 à 120 milliards d’euros de dette italienne en 2020 et poursuivra son action en 2021. Le soutien de l’UE à l’Italie sera donc d’environ 500 milliards, soit 30 % du PIB. Sans l’action de Christine Lagarde, l’Italie serait aujourd’hui dans une situation plus difficile qu’en 2008. Oui, cette fois-ci, la réponse européenne est arrivée à temps et a été massive. Il s’agit d’une réponse des dirigeants européens, à commencer par Macron, qui a d’abord agrégé un groupe de pays partageant un « sentiment d’urgence et de clairvoyance », pour rappeler Alcide de Gasperi, de l’Irlande à la Grèce ; puis, grâce notamment à la forte poussée de l’Italie et de l’Espagne, a utilisé ce poids politique pour un accord ambitieux avec Merkel. Une réponse de Merkel elle-même, qui s’est éloignée du statu quo et s’est même ouverte à une réforme nécessaire des traités de l’UE. De la majorité du Parlement européen, du PPE au S&D et aux Verts, parmi lesquels le nouveau groupe Renew Europe a joué un rôle central, en particulier sur les obligations de redressement. Et des commissaires européens, dont en premier lieu Gentiloni et Breton.
Pourquoi cette liste ? Parce qu’ils sont « l’ennemi public numéro un » de l’Italie, pour reprendre les mots de Salvini, Meloni et Di Maio lorsqu’ils ont enfilé le gilet jaune. Mais que font les amis de la droite à la place ? Pour Orbán, qui siège dans le même groupe (PPE) que Berlusconi et qui est la référence politique de Meloni et Salvini, le « Plan de relance » est « as surdo » car il favorise trop l’Italie, un vrai « Frère de Hongrie » ! On pourrait continuer avec d’autres « amis » qu’il vaut mieux laisser à la rue le plus tôt possible, mais ce n’est pas très important. Le message est très clair : l’Europe est bonne pour l’Italie, tandis que le nationalisme nous fait tous perdre.
Ce qu’il est important de réaffirmer, juste après avoir rappelé notre 2 juin d’hier, c’est le choix européen de l’Italie. Il s’agit de l’article 11 de la Constitution, qui stipule que « l’Italie… consent, sur un pied d’égalité avec les autres États, aux limitations de souveraineté nécessaires à un ordre qui assure la paix et la justice entre les nations ; elle promeut et encourage les organisations internationales à cette fin ». Un manifeste d’une grande actualité pour un nouveau projet italien et européen.
Le Fonds de relance et l’idée d’une dette publique européenne sont un pas vers l’Union fédérale, et la crise a montré à tous nos interdépendances européennes et mondiales. Oui, la question de la souveraineté est décisive et jamais auparavant nous n’avons dû « reprendre le contrôle », pour reprendre le célèbre slogan des « Brexiteers » (let’s take back control). Mais pour cela, tout sauf « Italexit » ou « nous ferons cavalier seul ». Pour protéger l’intérêt national italien, français, allemand, etc. – construisons une Europe souveraine qui gouverne les grands enjeux transnationaux, du défi climatique à l’immigration.
Parions sur la transformation écologique et numérique pour devenir le « charbon et l’acier » de l’Union du XXIᵉ siècle. Voici donc le double défi qui nous attend. En Italie, le plan de relance doit être l’occasion historique de réformer un pays qui a urgemment besoin d’être redressé et renouvelé. Deux décisions doivent être prises au cours des six mois de la présidence allemande : l’adoption du plan européen de relance et de transformation, et le lancement de la conférence sur l’avenir de l’Europe, afin de réformer les politiques et les traités. Ne gaspillons pas cette crise.